mardi, novembre 25, 2014

Au courrier du coeur - Lettre ouverte à Pascal Praud

Je pense à vous ce mercredi aussi, l’esprit vagabond d’une langueur en rien monotone tant il m’est donné des occasions inespérées de faire monter une rage incontrôlable.

Voilà près de 20 ans que je vous connais, oui, que nous nous sommes croisés quelques temps sur votre lieu de travail, 20 ans que je me demande toujours ce qui vous fait rester, ce qui vous accroche à cette barque toujours plus frêle, toujours plus soumise aux aléas des vindictes à votre endroit. Certains de vos confères ont abandonné, ont été virés, sont partis ailleurs. Je pense à Marianne Mako, Frédéric Jaillant, Vincent Hardy, Roger Zabel d’une certaine manière, et tant d’autres qui ont été oubliés. Vous, entré au service des sports de TF1 en tant que stagiaire avec vos verres épais de l’époque, votre cravate orange, cadeau de la sélection batave, dont vous étiez si fier, et votre FC Nantes.

En 1998, lors de la victoire française, une phrase de votre part m’est revenue alors que le groupe France de Jacquet se construisait sans véritable avant-centre, votre espoir, dont vous étiez sans doute persuadé, était le maillot n°9 sur les épaules de Nicolas Ouédec. Patrice Loko en aura été plus proche. J’ai suivi de loin votre évolution, étonné je dois le dire de vos succès. Vous n’aviez pas la plus grande gueule, n’étiez pas le plus médiatique, pas le plus talentueux non plus mais vous avez été opportuniste, à la Christian Jeanpierre, mais en mieux. Car vous avez pris des risques, vous avez quitté votre employeur originel, peut-être pour mieux, peut-être obligé, mais vous avez su rebondir et c’est à votre honneur, moins à ceux qui vous laissent un blanc-seing pour vos interventions télévisuelles, radiophoniques ou écrites. Sans un déferlement de haine digne d’un Ménès ou d’un Balbir, vous savez la provocation et savez vous en servir, c’est nécessaire mais pas suffisant pour faire de vous une référence.

Vos effets de manche ne sont pas subjuguants, votre culture étalée par une évidence parfois insultante, sans en plus éviter les erreurs, n’éblouit que les aveugles, votre condescendance envers d’autres confrères devant et derrière les caméras ou les micros blesse et ne vous rend pas service, vous pour qui nous nous demandons comment vous tenez depuis 20 ans. Et nous nous le demandons pour nous mêmes qui restons là sans rien dire, ébêtés, non, plutôt endormis, et toujours surpris de vous voir vous tromper un peu partout sur un peu tout. Sortir une telle lettre un an jour pour jour après la victoire de la France contre l’Ukraine est d’un culot extraordinaire, vous, moqué, décrédibilisé pendant le mois de novembre 2013 suite à votre analyse du match aller. Pour reprendre un de vos crédos depuis 2010, parfois vous êtes vous même ce que vous dénoncez, une sorte de Knysna continu du journalisme. C’est un avis personnel, mais qui n’a rien de personnel, juste professionnel. Je ne pense pas à vous en dehors de vos apparitions sans doute trop régulières, je ne suis pas tombé malade du mal qui ronge certains journalistes et c’est dommage pour un si beau métier que tant d’autres, comme j’ai fait partie, ont rêvé ou rêvent d’exercer.

Aussi malheureuse soit-elle, votre description de Marseille colle parfaitement à votre milieu. Bénéficiaire de tant de portes ouvertes, vous ne voyez sans doute plus les marches à monter, les fenêtres par lesquelles passer pour essayer d’entrevoir une place dans ce métier, et pourtant il y a du talent, je ne me mets pas dedans et quand bien même, je ne serais pas au niveau de disputer un vrai poste. Un talent supérieur au vôtre, du talent nourri à des sources d’informations que vous n’aviez pas plus jeune et la différence est flagrante, énorme, un gouffre sépare votre génération de celle qui finit ses études aujourd’hui. Encore une fois, je n’en fais pas partie. Je ne dis pas cela pour me décharger d’une quelconque responsabilité, je dis cela pour ne pas être accusé de jalousie, de rancœur, d’envie, d’aigreur.

Vous parlez « des supporteurs » pris en otage, avez-vous une fraction de seconde remplacé ce mot par « spectateurs » ou « lecteurs » ? En effet, nous sommes pris en otage des tribunes qu’on vous laisse, sans surveillance, sans compte à rendre, comme les dirigeants que vous dénoncez. Vous passerez sans doute outre ces quelques lignes, pourquoi détournez votre regard des chiffres de l’audimat ou du nombre de clics, c’est votre métier, pas celui de plaire, pas celui de réfléchir, pas celui de trier l’information et de rendre un avis éclairé, vous faîtes du chiffre et vous le faîtes bien. Dois-je aller jusqu’à vous conseiller de quitter le navire, non, si vous pensez bien agir, il ne faut pas contrarier les bonnes consciences, cela pourrait causer de terribles maladies, votre avis médical sait de quoi il parle.

Je n’ai pas la force de parler de votre famille, de vous imaginer vous endormant le soir, non par manque d’intérêt, mais parce que ce serait déplacé, malveillant, bête. Je ne vous demande d’embrasser personne, j’espère au contraire que tout va bien, je ne vous souhaite aucun mal.

Voyez cher Pascal, comme il est facile de retracer à charge une histoire, voyez comme il est facile de s’adresser à autrui sans insulte tout en étant désagréable et sans rien proposer. Brasser du vent. Je vais même jusqu’à la confidence, mon père dit que je suis bon dans ce domaine, une phrase dont je suis fier mais dont tout le monde rit, comme votre récent prix de commentateur sportif 2014 remis par l’association des écrivains sportifs.

Respectueusement

@TheSpoonerWay


A retrouver ici : http://horsjeu.net/fil-info/the-spooner-lu-lettre-ouverte-pascal-praud-mlg/

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