samedi, mai 23, 2020

Lettre ouverte à mon obsession


Notre relation est née le 14 avril 1990. C’était les vacances de Pâques et je t’ai rencontrée chez le meilleur ami de mon père, l’ancien Président du club de Trans-en-Provence. Je te connaissais vaguement comme un jeu de cours de récréation, c’est tout. 14 avril 1990, Marseille reçoit Bordeaux. Je me souviens seulement des deux coups-francs de Chris Waddle, deux coups de tonnerre transformés en un coup de foudre. Je n’ai pas pu attendre longtemps pour te revoir. 18 avril 1990, demi-finale retour de Coupe d’Europe des clubs champions, Benfica Lisbonne – Olympique de Marseille. Pour la deuxième fois en 4 jours, je vois ce maillot bleu et blanc. Les rouges marquent et nous éliminent, oui maintenant ce sera « nous » et rien d’autre. Il y avait main, l’arbitre ne l’a pas vue, j’en suis encore révolté. C’était il y a 30 ans, je suis toujours fou de toi et je veille sur notre enfant, mon Olympique de Marseille.

Les deux coups-francs de Waddle en direct sur Canal+ sont ici.

Mais depuis deux mois c’est le silence, tu as disparu. Tu ne réponds plus, tu m’as ghosté. Oui la vie continue et je vis. Je me nourris tant bien que mal, je bois pour oublier, je vois des amis à la place de nos soirées ensemble. Je dévore nos souvenirs, je regarde nos vidéos, je lis nos livres, je feuillette tant de photos jusqu’au milieu de la nuit. Je souffre. Mais le temps fait son œuvre et de nombreuses questions émergent. 30 ans, c’est long, 30 ans, c’est usant. Nos moments ensemble sont-ils encore assez intenses, désirés, heureux ? Ne nous sommes pas trop vus depuis ces années, portés par la force de l’habitude ? T’attendre chaque fin de semaine a maintenu cette flamme intacte pendant longtemps, la rareté est si chère. Et tu as voulu davantage, me voir tous les jours, je n’ai pas dit non, cela me semblait le seul moyen de combler nos désirs. Tu es devenue une drogue et mon addiction s’est empirée. Le paradis perdu des premiers temps a laissé sa place à un paradis artificiel. Tu as succombé aux sirènes faciles de prétendants malintentionnés qui en prétextant parler de toi vomissent un flot ininterrompu de bile inepte. Tu les as laissé faire, tu aimes bien qu’on parle de toi, le silence t’effraie davantage. Pour nous protéger, je dois me restreindre par peur de te voir sous une lumière tronquée, je dois me restreindre pour garder le feu sacré. 30 ans à tes côtés et depuis deux mois, je te vois t’éloigner, tu es devenue une silhouette diffuse, lointaine. Ai-je encore envie de te rejoindre ? N’ayons pas la lâcheté de nous séparer sans se parler et j’ai tant à te dire.


Tu m’as fait rire, tu m’as fait pleurer, tu m’as fait hurler, tu m’as fait courir. Tu m’as fait rencontrer tant de personnes géniales souvent, généralement obtuses mais passionnées tout le temps. J’ai dû te défendre contre les a priori faussement élitistes et sincèrement stupides de ceux qui ne te connaissent pas, tout en prétendant le contraire. Je t’ai défendue sans relâche ni concession,  même si pour les autres, t’aimer était synonyme de bêtise, violence et mauvais goût. Je n’ai rien lâché, cela a été un combat épuisant. J’ai été fier de finalement entraîner des proches dans cette folie pas si douce que cela. Liés à jamais face au monde entier, nous avons rencontré d’autres comme nous dans les années 2000 avec l’essor de nouveaux supports. Te partager avec d’autres passionnés, pas facile. Rien moins qu’un renoncement, notre relation a vécu des années folles, incroyables portée par toutes les émotions, des plus basses ou plus pures. Je n’en ferai pas la liste, nous risquerions de ne pas être d’accord sur tout / du tout.

Mais 30 ans, je le sais, je le sens, ce n’est pas suffisant. Oui je suis conscient de tes défauts, je les connais depuis des années et parfois ils sont difficiles à supporter mais ce n’est rien face à ton absence. J’en veux plus, j’en veux toujours plus, je veux des ébats, des débats, des disputes, des cris, des rires et parfois un peu de larmes, mais, ne t’y trompe pas, Bari c’est fini. Je veux te retrouver apaisée, assainie, et tant pis si certains blasés pontifiants et mauvais coucheurs lénifiants se désintéressent de toi, n’en prends pas ombrage. Je te veux prête à tout pour le jeu et à me faire défaillir sur un pénalty raté, sur un poteau en prolongation ou sur une reprise de volée en pleine lucarne. Du jeu, des émotions, le bonheur de sentir ton jeu insaisissable, de défier les lois de la physique, de contredire les statistiques, je veux voir ton audace tout emporter, de l’audace, de la vie, de la vie, tout sauf ce moment de mort cérébrale. Aimons-nous vivants évidemment, j’ai tant besoin d’étoiles.

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