mardi, décembre 23, 2008

Walk the line

L'exercice du jour sera l'hypnose, il faudra fermer les yeux et imaginer. Imaginer un empire britannique sur le déclin, mais des valeurs fortes toujours présentes, imaginer 34 années d'une carrière sans fin entre 1932 et 1965, imaginer passer toutes ces années à courir derrière un ballon, imaginer des dribbles, de grands matches et un grand homme, le premier footballeur anobli par la Reine. Stanley Matthews. So British.

Il sera difficile de reprocher quelque chose à Stanley Matthews, et pour cause, les preuves manquent. Peu d'image, peu d'article approfondi, un palmarès famélique, pas d'excès, car il est la régularité, la rigueur, le respect, cela peut paraître ennuyeux mais lorsqu'on évoque Stanley Matthews (forcément cela n'arrive pas non plus tous les jours, mais il faut imaginer), imaginons que l'on évoque Stanleey Matthews, le premier mot qui apparaît, c'est la classe... et peut-être une psycho-rigidité à faire pâlir Jeannie Longo mais c'est une autre histoire.

34 années de carrière et 2 clubs... 2 petits clubs, lui qui a refusé les grands clubs de la capitale parce "qu'il n'aurait pas trouvé cet air vivifiant qui tonifie les poumons." 2 clubs qu'il faut citer pour prouver qu'ils ont existé un jour : Stoke City (1931-1947), Blackpool (1947-1961), Stoke City (1961-1965). Ils sont peu dans ce sport à définir la fidélité à ce niveau surtout lorsqu'il ne s'agit pas de grands clubs. 2 clubs donc et comme palmarès au cours de ces longues années... alors niveau palmarès, c'est peu: une coupe d'Angleterre en 1953. Mais alors pourquoi cet homme plus qu'un autre ?

Parce que tout cela justement et tant d'autres choses. Car cet homme, ce joueur professionnel considérait le sport comme un catalyseur de valeurs nobles, il abordait tous ses matches comme un gamin, en courant partout comme un amateur, en ne serrant jamais la main d'un adversaire avant un match, pour ne pas montrer un signe de connivence, mais en saluant tous les joueurs et le staff à la fin, en étant un des rares professionnels à ne jamais recevoir un carton durant toute sa carrière, en n'ayant jamais entendu les sirènes des grands clubs à s'en crever les tympans, finalement pour être celui qui a cru et fait croire à un plaisir sans fin.

Stanley Matthews n'a pas révolutionné le jeu comme d'autres mais il a montré de nouvelles voies. L'entraînement continu, du jonglage pour aller à l'école à la séance d'entraînement devant sa fenêtre tous les matins, en passant par le lestage de ses chaussures pour avoir l'impression de voler les jours de match. C'est par une diététique rigoureuse, une nuit de huit heures imposée par son père dès son enfance, le choix de vêtements plus amples pour faciliter les gestes d'un corps qui sur son éternelle aile droite a ravi tant de spectateurs et désorienté tant d'adversaires. Physique mais aussi technique parce que Stanley Matthews, c'est un dribble charté (oui bon en même la charte c'est un peu mon quotidien).

Comme Garrincha et son "feinte intérieur pied droit, accélération débordement extérieur pied droit", ou plus récemment Ronaldo et son "passement de jambes extérieur pied gauche et accélération extérieur pied droit", Stanley Matthews a son dribble. Sur son aile droite, il fixait son défenseur, ralentissait sa course, ralentissait, ralentissait, à faire du sur place, en faisant du sur place, la balle près du pied, et le pied prêt à jaillir. Et au moindre mouvement le pied jaillissait pour un résultat toujours efficace, direct, déstabilisant, et en parfait équilibre, il accélérait si vite que la décalage était fait, c'est scientifique. Comme lors d'un 7-0 en 1938 où l'Angleterre a inscrit les 7 buts sur 7 passes de Stanley Matthews. Où comme lors de son unique trophée en finale de la Cup 53, il était là. Menée 3-1 à 20 min de la fin du match, il délivre trois passes décisives à ses équipiers pour la victoire, sa victoire, sa seule victoire. 1953, où il connaît la honte après la première défaite sur son sol de l'Angleterre sur un 6-3 historique de l'a Hongrie du Major galopant, Ferenc Puskac. Anobli par la Reine en 1965, un an avant la victoire de l'Angleterre en coupe du monde, sans lui mais comment espérer meilleur précepteur ? Son dernier titre date de 1963, celui de meilleur joueur d'Angleterre quand, à 48 ans, il offre grâce à son but face à Chelsea la remontée de son club en premiership.

"Quand il ne livre pas un match, il s'entraîne. Et quand il ne s'entraîne pas, il joue au ballon." La vie de Stanley Matthews a finalement été très simple, une vie de 886 matches officiels sans un avertissement, une vie achevée en 2000 à l'âge de 85 ans. 100 000 personnes étaient encore derrière son cortège pour célébrer cet homme. Une statue a été dressée dans sa ville.

Ah oui Stanley Matthews a été le premier Ballon d'or de l'histoire en 1956 à 41 ans, devant Alfredo Di Stefano et Raymond Kopa.

Sir Stanley Matthews.




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