mercredi, juin 16, 2010

On vous l'aurait bien dit avant

Les spécialistes de l'Ifris (Institut du Football et des Relations Internationales Stratégiques) ont décidé de créer un groupe de réflexion pour mieux comprendre le football par la géopolitique. Explications des résultats du 15 juin:
  • Le match de la Nouvelle-Zélande n’est pas une surprise, depuis 1982 et leurs trois défaites, ils n’étaient plus considérés comme des hommes, ils y tiennent à leur premier petit point ;
  • La Slovaquie ne peut plus rien faire en football, cela fait 20 ans qu’il manque la moitié du pays dans l’équipe ;
  • La Slovaquie qui joue contre une équipe qui s’appelle les All Whites, trop de respect pour les bousculer ;
  • Le foot en Nouvelle-Zélande, c’est : plus de licenciés que le rugby, un seul club professionnel qui joue dans le championnat australien, aucun maori sur le terrain, bref, c’est un peu Calais ;
  • Dindane, seul attaquant non remplacé, Laurent Gbagbo fait déjà chauffer le treillis pour Eriksson ;
  • La Côte d’Ivoire, c’est les accords de Marcoussis, pas ceux de Clairefontaine, s’ils sont en Afrique du Sud, c’est pour le rugby ;
  • Carlos Queiroz est né au Mozambique, il ne veut se mettre son continent à dos ;
  • Portugal-Brésil en troisième match, cela sent quand même le RFA-Autriche de 1982, pas de quoi s’affoler pour le moment ;
  • Le Brésil, c’est un gros pays et en football, c’est du lourd. Ces joueurs lui ressemblent ;
  • Thierry Rolland peut faire la blague du mois après le but de Maicon : « le gardien nord-coréen Ri jaune », tu nous manques Thierry ;
  • Il ne faut pas dire Groupe de la mort aux nord-Coréens, ils le prennent au premier degré, forcément ils se battent.

mardi, juin 15, 2010

On défait le match

Retrouvons nos trois experts pendant la Coupe du monde, Brandao, pour l’expertise technique, Franck Jurietti, pour l’expérience internationale, et Sammy Traoré, pour la science du jeu sans ballon et tout ce qui ne concerne pas le foot. Ils font le bilan de leur match.
Avant match.
Franck Jurietti : En équipe de France, le plus important c’est la concentration, le mental. Il faut résister à la pression. La première difficulté, c’est l’hymne, il faut canaliser l’émotion liée à l’événement. Les joueurs sont apparus très concentrés, dedans la compétition, je n’ai vu aucun joueur trembler ou pleurer, ça c’est la première chose, c’est essentiel.
Sammy Traoré : Absolument, c’est la même chose en club, quand on me siffle, je sais que les supporteurs sont contents de moi, il faut rester concentrer et donner encore plus de soi-même.
Brandao (Sans l’accent brésiliano-ukrainien) : oui musique c’est important dans la vie du joueur, j’aime beaucoup l’entrée sur la pelouse de Marseille, ce n’est pas la samba, mais c’est mieux que la fanfare de Donetsk.
Le point à la 25ème minute :
B : Je retiens surtout le beau geste de Govou à la 7è minute, il l’a pas touché le ballon, c’est difficile de rater à ce niveau, il faut application, détermination, comme moi à Marseille.
ST : Céara aurait au moins marché sur la balle, je ne comprends pas les critiques contre le PSG. Je retiens surtout la belle feinte de corner de Lloris, deux minutes avant la frappe de Forlan. Il fait exprès de se faire surprendre sur le rebond et hop, corner. Cela donne une fausse confiance à l’attaquant qui juste après n’hésite pas à tirer de loin, Lloris est un grand pro. Une feinte comme ça, même Landreau avait du mal à la faire.
FJ : La France est confiante et c’est bien. Ils sont bien entrés dans la compétition, réalisent de bonnes choses, le capitaine donne le bon exemple, un carton dès la 11è, j’admire, même en ligue 1, j’ai du mal à réaliser ce genre de perf. Les gars sont solidaires et Anelka n’hésite pas à laisser sa place d’avant-centre à Govou pour prendre la place de Sagna et faire les touches sur le côté droit à 30 mètre du but (25è min).
Mi-temps
ST : Le match s’est équilibré, à part la belle feinte de chute de Govou à la 30’, peu de beaux gestes. Je vois d’ailleurs Lassana Diarra et Thierry Henry qui s’échauffent actuellement, peut-être une indication pour la 2ème mi-temps…
FJ : Non Sammy, c’est la pub, repose-toi, tu dois tenir tout le match cette fois. Aujourd’hui la force de l’expérience internationale, c’est surtout le mental, c’est de résister à la pression extérieure, c’est de résister aux vuvuzelas.
B : Oui. Mais j’ai pas vu l’attaquant de la France. Gallas n’est pas dans un bon jour, contrairement aux derniers matchs où il a marqué et eu beaucoup d’occasions, preuve que la défense uruguayenne est très bonne ce soir. Le coach va devoir trouver quelque chose.
Point à la 70ème minute
ST : Je me sens de plus à l’aise à regarder ce match, on a vu de très belles phases de jeu, notamment entre la 50ème et la 55ème, les deux équipes étaient à l’arrêt, s’observaient avant d’entamer la dernière ligne droite du match. C’est difficile à coordonner, faire marcher 22 joueurs en même temps, sans qu’aucun fasse son intéressant à courir, même à Paris, j’ai du mal à faire comprendre cela à mes coéquipiers, pourtant c’est nécessaire, on se repose quand sinon ?
FJ : Je vois surtout que les joueurs se donnent sans compter, sans calcul pour la suite de la compétition, trois cartons jaunes pour des titulaires français, c’est très bien, cela montre l’investissement de chacun dans l’oeuvre collective. Les copains pourront jouer lors des autres matchs.
B : C’est marrant, je vois Mathieu sur le banc, il est là, il est tranquille, il attend janvier pour faire son entrée, il est fort, il les surprendra encore cette année. Je vais lui dire que ses slips sont trop petits pour moi, j’en ai acheté un, mais ils font la même taille que le sien, il n’a pas compris qu’il existait plusieurs tailles.
Fin du match
ST : C’est fatiguant de tenir un match entier. Je retiens qu’on n’a pas pris de but. C’est un bon résultat à l’extérieur. Au Parc des Princes aussi d’ailleurs. Un bon espoir pour le maintien, mais bon la qualification en Europa league s’éloigne mais il reste la coupe.
B : AAAHHHH j’avais pas compris !! mais le petit n° 7, c’est Hatem !! il n’a pas lâché le ballon du match, il se fait passer pour Francky Vincent Ribéry, c’est malin. Je voulais faire pareil avec mes cheveux longs pour ressembler à Ronaldinho. Mais il n’a pas été sélectionné.
FJ : Je note que le sélectionneur n’a pas fait les changements au bon moment. Il les a fait beaucoup trop tôt, entre la 72ème et la 85ème minute, donc pas d’effet de surprise pour l’adversaire. A mon époque, ils étaient beaucoup plus judicieux, on savait déjà qu’on ne toucherait pas le ballon. Et l’Uruguay a fait une meilleure fin de match, les Bleus étaient fatigués, ils n’ont pas réussi à faire exclure le moindre joueur, j’espère qu’ils feront mieux au prochain match.

mercredi, juin 02, 2010

Villepin, Stade rennais: histoires parallèles

De 1995 à 2017, retraçons le fabuleux destin de deux losers devenus rois de France.
2017 restera comme une année pour les revanchards de tous bords. Bigard, nouveau ministre de la Culture, c’était déjà pas mal, Fabrice Fiorèse, qui prend la tête de fédé, bravo, mais que dire de la suite? Dominique Marie François Galouzeau de Villepin est président de la République et le Stade rennais est champion de France BetClic… La fin des années 2000 n’aurait pourtant jamais dû les voir se relever.

1995-2004 : Caramba, encore raté !
Les chars de l’armée rouge s’en vont enfin en 1995, et Villepin est nommé Secrétaire général de l’Elysée, c’est déjà bien. Le Stade rennais termine à une honorable 8e place du championnat 1996 et, notons-le, est pour la première fois depuis la saison 65-66 dans les dix premiers. Pas mal.
La saison suivante marque un tournant difficile. Villepin est un des artisans de la catastrophique dissolution de l’Assemblée nationale, la majorité passe l’arme à gauche. Heureusement pour lui, il n’est ni ministre, ni élu: il garde donc sa place au chaud, c’est toujours ça. Rennes tombe de haut et finit à une sombre 16e place en 1997, premier non reléguable d’une année où quatre équipes descendaient pour passer à un championnat à dix-huit. Retour dans le rang.

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Le Stade rennais a fait naître des espoirs avec une 6e place en 2001 pour le centenaire du club, et une 9e en 2004, laissant même transparaître des ambitions avec l’arrivée de François Pinault comme propriétaire en 2000. Il veut alors frapper fort, achète donc un crack brésilien pour 120 millions de francs: Severino Lucas, plus gros transfert du club. Pinault, grand amateur d’art contemporain, se fourvoie lourdement, mais on lui pardonne: l’art contemporain, on ne comprend pas toujours. Villepin devient résident du quai d’Orsay dès 2002. Il croit enfin entrer dans l’histoire le 14 février 2003, avec son discours à l’ONU contre la guerre en Irak, mais la politique étrangère, c’est compliqué. La guerre a quand même lieu.


2004-2007 : Vanitas, Vanitatum, omnia vanitas
Pour Villepin comme pour le Stade rennais, l’espoir naît pendant la saison 2004-2005. A la faveur d’un remaniement ministériel, Villepin prend le ministère régalien du frère ennemi, avant de devenir le chef du gouvernement et voir son horizon s’élargir, un peu trop vite peut-être. Sans mandat, il n’a pas de parti et n’est pas membre des gouvernements de Sarkozy. Rennes aussi se voit trop grand rapidement. En 2004, Rennes finit 9e, en 2005, encore mieux, Rennes est 4e et européen. Dorénavant il faudrait compter avec. Mais Rennes n’ira pas plus loin. Comme pour Villepin, le dernier palier est encore trop haute.

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Prise le 6 août 2006 au Stade de la route de Lorient, cette image prémonitoire annonce l'avenir de la France. De gauche à droite et de leurs noms de scouts: Tamanoir intrépide, Belette teigneuse et Castor triste. (Photo : Pymouss44 / Wikipedia)

2007-2015 : La diagonale du vide
Villepin sans mandat, Rennes sans titre: d’éternels candidats déçus. Villepin s’embourbe dans l’affaire Clearstream, avec ce clin d’œil du destin: le verdict le laisse libre le 28 janvier 2010, jour de l’anniversaire du président de l’époque. Il n’est pas là en 2012, il prend le temps de se remettre et vise 2017 avec la conviction de l’usure des gouvernants et du souffle nouveau de l’alternative. Rennes a connu également son lot de désillusions. Il est une sorte de poil à gratter du ventre mou avec des résultats défiants toute logique: douze victoires contre Paris en quatre ans, pas une victoire contre Lille depuis 2013 (malgré ses deux relégations entre 2011 et 2015). L’équipe se cherche, à mesure que les dirigeants se succèdent, Saint-Sernin, Le Lay, même Lagaf n’y peuvent rien. Les entraîneurs les plus prestigieux n’y arrivent pas, comme Mickaël Sylvestre ou Reynald Pedros. Mais le centre de formation reste sa vraie force, et lorsque Rennes sait conserver ses jeunes, le club parvient à viser plus haut, en attendant que les Marseille (champion 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015), Angers (surprenant champion 2016) ou Arles-Avignon (cinq qualifications en Ligue des champions depuis sa montée en Ligue 1) n’aient plus l’envie de gagner.


2015-2017 : La montée des marches
Tout était fait pour le sacre, encore fallait-il être présent. La tactique était au point: une défense de fer, une attaque ridicule mais une grande efficacité. La disposition des joueurs est simple, huit défenseurs de plus d’1m95, deux milieux, et un attaquant chargé d’obtenir les corners. En phase d’attaque, cinq défenseurs montent, et l’attaquant tire le corner répété des centaines de fois à l’entraînement. L’entraîneur de Rennes peut être fier: il n’est autre que le poète tchèque Jan Koller, qui a su redonner ses titres de noblesse aux tactiques fermées qui fleurent bon le siège de Stalingrad.
La fleur, c’est au fusil que l’avait Villepin, avec assez de balles pour faire le ménage. La population aimant particulièrement les destins montecristesques a soutenu un homme revenu des ténèbres judiciaires pour embrasser un peuple qui ne devait l’élire que pour son sacre. Et c’est tout naturellement qu’il a lié dans son discours d’investiture ces deux destins remarquables, le 3 mai 2017:

« Le chemin a été long mais comme Colomb a ouvert une nouvelle voie vers ce qu’il croyait les Indes pour finalement créer l’occident d’aujourd’hui, il a fallu conserver nos valeurs en sachant que si la ruée vers l’Ouest a scellé notre histoire des derniers siècles, la route de l’Orient est toujours restée notre première racine et est aujourd’hui de nouveau ouverte ».

Évidemment, marquer l’histoire avec le Roudourou aurait été plus compliqué.




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