Les Van Nobel sont éternels.
Les sirènes résonnent depuis deux jours. Deux jours,
peut-être plus, peut-être moins, le temps n’a pas tellement d’importance.
Impossible de dire si c’est court ou long, mais c’est déjà une autre époque, un
autre temps, pas forcément insouciant, mais plus léger. Le foot, notre ballon,
notre passion, celle qui réunit tant de monde, qui divise et déchire dans un
sérieux teinté de superficialité, ce sport a été pris en otage, menacé et
touché. Comme un symbole. Le Stade de France était initialement visé. Le public
d’un vendredi soir tout ce qu’il y a de plus désespérément banal devant un
match amical de l’équipe de France a été visé. Ils devaient exploser en direct
à la télévision. Dans les tribunes. Ils devaient faire des dizaines de victimes
supplémentaires, on devait le voir. On aurait pu y être. On aurait dû le voir.
Ils ne sont pas rentrés, ils ont été se tuer quelques
dizaines de mètres plus loin, seuls face à leur connerie, leur lâcheté, leur
violence, leur mépris de l’homme, leur haine d’eux-mêmes. Le foot, notre
ballon, notre passion devait être le témoin tragique et la victime idéale. Cela
n’a pas été le cas, à la place du sport, c’est la musique qui a trinqué. Salement.
Je n’ai pas décuvé depuis 3 jours. Quitte à être un fantôme autant l’être
bourré. Le foot, notre ballon, notre passion restera un symbole de résistance,
plus que tout. Parce que des gens peuvent se réunir, chanter, simplement être
ensemble sans risquer de mourir. A 7 mois de l’Euro, l’enjeu est de taille.
Démesuré. La fête est déjà gâchée parce qu’elle ne sera plus insouciante. On se
méfiera de son voisin dans le stade, dans le métro, de celui qui n’a pas
d’écharpe, ou de celui qui a un trop gros sac à dos. On voudra rester près des
sorties, au cas où. Mais on y sera. On ne faiblira pas. Rien lâcher. Jamais.
Tout peut paraître dérisoire à la lumière d’événements de ce
type. C’est aussi pour cela que le football est important. La puissance du
dérisoire, faire un symbole fraternel d’un jeu de ballon, seul l’être humain
est capable d’un tel paradoxe.
Lointaines sont les affaires de la FIFA, la sextape de
Valbuena aux oubliettes, la victoire contre le champion du monde invincible,
que ces sujets paraissent légers et divertissants. C’était bien. C’était mieux.
C’était avec lui. L’éditeur, ce bel homme, lui a rendu un superbe hommage, il
n’y a rien à ajouter. Il faut continuer à aimer ce sport, à le servir avec le
talent qu’il avait, cette manière de confondre le ridicule de ce sport, de
savoir le transcrire, le coucher sur papier et de nous amuser avec. Tous ses
personnages pour autant de masques et une impression de ne le connaître qu’à la
marge. On est tombé 129 fois, on se relèvera 130 fois.
Si le foot ne peut plus être une fête, il sera un symbole de
résistance, le nôtre et les victimes sont autant de raison de pas oublier de
vivre, de s’amuser, de profiter de ces quelques années d’une vie forcément trop
courte et pour la plupart d’entre nous souvent insignifiante. Le foot est un
beau terrain de jeu, même si la folie qui l’entoure est à juste titre
inquiétante, voire repoussante. Son universalité est sa force et il ne le
restera que si nous croyons encore. Pour ce qu’il m’apporte au quotidien, pour
les personnes que je connais grâce à lui, je sais que le football est un
exutoire salvateur. Ils ne me le prendront pas.
Ils reculeront, ils mourront, leur combat sera vain et les
morts de notre côté seront nos plus belles armes. Eternelles.