mercredi, janvier 23, 2019

L'indécence, cet enfer

Il ne sera rien dit de plus sur la disparition de Sala ici. Il ne sera rien dit qui puisse être un hommage morbide de plus, certains diront ou feront comprendre qu’un hommage est un hommage, peu importe l’angle journalistique. Ce fameux angle au football que l’on admire fermé et que l’on considère obtus pour les imbéciles. Et il y en a. Le décès de Sala est tragique, oui, nous le savons. Je suis triste. Je suis triste parce qu’un homme est mort qui n’avait lui, pour défense, que ses jambes ouvertes à la vie (et non les bras pour Paul Eluard lors de son poème pour Gabriel Péri). Péri, Sala l’est pourtant.

Beaucoup d’hommages et les plus émouvants sont les plus discrets car ils ont cette dignité que personne n’ose troubler. Le rassemblement spontané à Nantes est encore la preuve que ce sport véhicule davantage qu’une mondialisation à outrance et Sala n’en est évidemment pas une figure de proue, ni vivant, ni mort. C’est complètement con et sans appel. Je passe sur des offres commerciales bizarres, des raccourcis funestes avec Cerdan ou même des clins d’œil complices avec Bergkamp. Un homme est mort et il n’y a pas de place pour tout cela. Le seul que je salue est Didier Roustan qui dans un hommage personnel tient à poser certaines questions et avant tout, tient à questionner, sans trouver de réponse, sa propre démarche. Sans la qualifier, il est remarquable de conserver cette hésitation, de la partager en trouvant le ton et la bonne explication, en faisant juste parler son cœur : Sala n’était pas une star, n’était pas un familier des médias et était un joueur que l’on découvrait constant en Ligue 1, c’est à peu prés tout. Sala n’était pas une star et n’allait sans doute pas devenir ballon d’or. Il ne faisait pas partie du premier cercle des joueurs qui nous accompagnent plusieurs années. Pourtant, le monde de football est triste, un homme est mort, un seul, dans cette grande famille cynique et souvent hypocrite.

Oui ensemble, réuni autour de ce destin tragique, ensemble mais avant tout chacun dans son coin. Il serait quand même dommage de rater l’occasion d’être publiquement, et personnellement, triste et de l’afficher comme un drame, une chose qui nous touche vraiment, hein, on n’a presque les larmes, c’est important l’empathie, parler d’une histoire difficile, d’un battant, d’un héros de l’ombre presque. Alors qu’au final, il ne s’agit que d’un connard de plus prêt à aller jouer dans un sale club même pas vraiment en Angleterre pour gagner quelques centaines de milliers d’euros, le tout en voyageant dans un avion privé. Non on va aller jusqu’où comme ça ??!! Et pourquoi pas allumer un cierge à chaque mort dans un club amateur, vous savez ces jeunes qui font du foot même pas payés et qui crèvent sur un terrain devant les yeux de leurs familles qui bouffent des chips au paprika en buvant au mieux du coca, au pire de la bière coupée à la flotte. HEIN POURQUOI PAS ?? Et puis tiens, on ajoute les autres crashes d’avion, on oublie parfois Vichaï, feu le président de Leicester (oui mais lui c’était un hélicoptère, ah pardon, soyons précis), pas du tout symbole de la mondialisation non plus. J’aimerais aussi ajouter les sportifs morts dans la mer comme Tabarly, et puis les morts dans la mer tout court. Je pense à Aylan, vous l’avez oublié, l’enfant sur la plage, le migrant. Le vrai symbole de la mondialisation qui tue à grande échelle. Vous trouvez que je mélange tout ? Il aurait mieux valu qu'il signe au Real Madrid pour être une victime de la mondialisation. Elle est là l'indécence.