L'indécence, cet enfer
Il ne sera rien dit de plus sur la disparition
de Sala ici. Il ne sera rien dit qui puisse être un hommage morbide de plus,
certains diront ou feront comprendre qu’un hommage est un hommage, peu importe
l’angle journalistique. Ce fameux angle au football que l’on admire fermé et
que l’on considère obtus pour les imbéciles. Et il y en a. Le décès de Sala est
tragique, oui, nous le savons. Je suis triste. Je suis triste parce qu’un homme
est mort qui n’avait lui, pour défense, que ses jambes ouvertes à la vie (et
non les bras pour Paul Eluard lors de son poème pour Gabriel Péri). Péri, Sala
l’est pourtant.
Beaucoup d’hommages et les plus émouvants sont
les plus discrets car ils ont cette dignité que personne n’ose troubler. Le
rassemblement spontané à Nantes est encore la preuve que ce sport véhicule
davantage qu’une mondialisation à outrance et Sala n’en est évidemment pas une
figure de proue, ni vivant, ni mort. C’est complètement con et sans appel. Je
passe sur des offres commerciales bizarres, des raccourcis funestes avec Cerdan
ou même des clins d’œil complices avec Bergkamp. Un homme est mort et il n’y a
pas de place pour tout cela. Le seul que je salue est Didier Roustan qui dans
un hommage personnel tient à poser certaines questions et avant tout, tient à
questionner, sans trouver de réponse, sa propre démarche. Sans la qualifier, il
est remarquable de conserver cette hésitation, de la partager en trouvant le
ton et la bonne explication, en faisant juste parler son cœur : Sala
n’était pas une star, n’était pas un familier des médias et était un joueur que
l’on découvrait constant en Ligue 1, c’est à peu prés tout. Sala n’était pas
une star et n’allait sans doute pas devenir ballon d’or. Il ne faisait pas
partie du premier cercle des joueurs qui nous accompagnent plusieurs années.
Pourtant, le monde de football est triste, un homme est mort, un seul, dans
cette grande famille cynique et souvent hypocrite.
Oui ensemble, réuni autour de ce destin
tragique, ensemble mais avant tout chacun dans son coin. Il serait quand même
dommage de rater l’occasion d’être publiquement, et personnellement, triste et
de l’afficher comme un drame, une chose qui nous touche vraiment, hein, on n’a
presque les larmes, c’est important l’empathie, parler d’une histoire
difficile, d’un battant, d’un héros de l’ombre presque. Alors qu’au final, il ne
s’agit que d’un connard de plus prêt à aller jouer dans un sale club même pas
vraiment en Angleterre pour gagner quelques centaines de milliers d’euros, le
tout en voyageant dans un avion privé. Non on va aller jusqu’où comme
ça ??!! Et pourquoi pas allumer un cierge à chaque mort dans un club
amateur, vous savez ces jeunes qui font du foot même pas payés et qui crèvent
sur un terrain devant les yeux de leurs familles qui bouffent des chips au
paprika en buvant au mieux du coca, au pire de la bière coupée à la flotte.
HEIN POURQUOI PAS ?? Et puis tiens, on ajoute les autres crashes d’avion,
on oublie parfois Vichaï, feu le président de Leicester (oui mais lui c’était
un hélicoptère, ah pardon, soyons précis), pas du tout symbole de la
mondialisation non plus. J’aimerais aussi ajouter les sportifs morts dans la
mer comme Tabarly, et puis les morts dans la mer tout court. Je pense à Aylan,
vous l’avez oublié, l’enfant sur la plage, le migrant. Le vrai symbole de la
mondialisation qui tue à grande échelle. Vous trouvez que je mélange
tout ? Il aurait mieux valu qu'il signe au Real Madrid pour être une victime de la mondialisation. Elle est là l'indécence.